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Protection des données personnelles : un droit de l’État contre les principes d’un état de droit ?

La notion d’état de droit est instituée par la Déclaration Universelle des Droits Humains, en particulier ses articles 1 et 6 à 12. Il ne s’agit pas d’une institution publique mais de principes qui nous protègent de l’arbitraire (« chacun a droit à la sûreté » … « à résister à l’oppression »), par l’application universelle d’un droit commun.

Et en matière de protection des données à caractère personnel, les grands principes de droit sont édictés par le RGPD en Europe, décliné dans la loi informatique et libertés en France. Pour mémoire, ils sont, à gros trait :

  • Loyauté, licéité, transparence
  • Limitation des finalités
  • Minimisation des données
  • Données exactes et tenues à jour
  • Limitation de la conservation
  • Intégrité et confidentialité
  • Responsabilité des opérateurs du traitement

Traitements publics de données

Il faut savoir que la licéité d’un traitement de données (le fait qu’un traitement soit possible) s’appuie sur un certain nombre de dispositions : le consentement, le contrat, etc. et … la loi (article 6 du RGPD). Ainsi déjà nous voyons là un déséquilibre entre acteurs : les acteurs qui sont en charge d’écrire la loi bénéficient à leur avantage de la possibilité unilatérale d’édicter des règles qui peuvent rendre tout traitement licite. Avons-nous besoin de rappeler, au moins en France, la défiance qui existe entre le Gouvernement de l’État et la population ? C’est ainsi par exemple que nous avons vu les prérogatives de 3 traitements par la Police ouvertes largement en décembre 2020 sur simples décrets du Ministre de l’Intérieur (n° 2020-1510, n° 2020-1511 et n° 2020-1512) au fichage des opinions (et non plus des faits) philosophiques, sportives, politiques, culturelles, etc. De la même manière, en son temps, le Health Data Hub a été rendu légal par une alliance de décrets gouvernementaux et de complaisance des juges administratifs du Conseil d’État. Enfin, alors que la surveillance de masse (le traitement à grande échelle) est très encadré (articles 35 et 36 du RGPD) et l’usage données biométriques sont interdits (article 9 du RGPD), le Parlement Français vient d’autoriser la surveillance algorithmique des foules durant les Jeux Olympiques de Paris 2024, par des caméras fixes et des drones…

Ces trois exemples illustrent parfaitement le double standard de la protection des données : d’un côté les acteurs non gouvernementaux faisant face à une loi difficile à implémenter, laissant une place importante à l’interprétation une fois ses grands principes mis en œuvre ; de l’autre des acteurs gouvernementaux qui outrepassent sans état d’âme et en toute légalité de façade les principes de la loi. Nous sommes déjà là dans une droit de l’État plus que dans un État de droit.

Traitements judiciaires de données

Penchons-nous maintenant sur la protection des données en matière de police judiciaire. Là c’est une autre affaire, implantée au cœur du droit Européen, dès l’article 2.2.d) du RGPD qui indique clairement les choses : « Le présent règlement ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel effectué (…) par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre des menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces. »

Dès lors qu’il s’agit de sécurité publique, de détection d’infractions pénales, même de prévention… alors point de protection des données. Ainsi nous comprenons mieux la légalité de l’accès par la Police aux dossiers médicaux des blessés contestataires (comme dans le cadre de la lutte contre les méga-bassines à Sainte-Soline), bafouant les principes non seulement de la protection des données personnelles (auquel cet accès n’est pas soumis, rappelons-le), mais encore plus grave, sur la protection des données de santé. Théoriquement, seuls les praticiens de santé intervenant auprès des personnes peuvent avoir accès au dossier de santé des-dites personnes. Mais le droit de l’État n’est pas écrit en respectant ces principes.

Double standard

Comme nous l’avons vu, le droit de l’État est bien loin de l’État de droit : en tant que producteur du droit, l’État (le Gouvernement en premier lieu, assisté des juges administratifs) contourne sans difficulté les garde-fous imposés aux autres acteurs ; en tant que détenteur du pouvoir d’enquête judiciaire et sous ce couvert, tout est permis et les contrôles résiduels inopérants.

Sur simple décret ministériel, il est maintenant possible d’enregistrer non plus des faits, mais des opinions ; de risquer l’export illégal de nos données de santé aux USA (totalement illégal depuis l’arrêt Schrems II)… Et sur simple réquisition judiciaire ou organisation des Jeux Olympiques, dans le cadre d’un appareil répressif sorti totalement de ses rails, tous nos beaux principes juridiques de protection des données s’évaporent.

Auto-défense collective

Il convient donc maintenant de déployer chacun et chacune, individuellement et collectivement, des moyens de notre auto-défense en vertu de l’Article 12 de la Déclaration Universelle des Droits Humains (DUDH) qui institue le droit à une vie privée et à une protection contre toute immixtion dans celle-ci, ainsi que des articles 19 et 20 de la DUDH instituant la liberté de réunion, d’expression et d’opinion. Citons pour cela et par exemple l’usage extensif de moyens de chiffrement (cryptographie) de nos outils numériques et de nos communications, la dissimulation de nos visages dans les espaces de contestation par des masques sanitaires, la popularisation des vêtements noirs ou sombres facilitant collectivement la confusion dans le suivi physique des personnes et leur reconnaissance, etc.

Quand le droit ouvre la voie à des pratiques totalitaires, quand la rue et les champs sont sommés de se taire par l’usage d’une répression policière parfaitement affûtée autant pour faire « respecter l’ordre » (capitaliste) que pour sanctionner les contestataires par des mutilations, et ce en toute impunité/légalité, l’heure est à la dissidence et à la résistance collectives.

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